Distinguer le Moi de Soi

Nous peinons souvent à concevoir que nous ne sommes pas ce que nous pensons représenter. Celui qui s’identifie à l’image qu’il croit renvoyer de lui-même est dominé par son Moi. Celui qui est à l’écoute de ce qu’il ressent, permet à son être d’exister tel qu’il est pour être plus Soi.

Le Moi

Imaginez que l’individu soit représenté par un attelage. Un attelage est composé d’un carrosse (le corps). Il est tiré par un cheval (les émotions), car ce sont nos émotions qui nous font bouger (motion, mouvement). Il est conduit par le cocher (l’ego, le mental représenté par le Moi). C’est au cocher que revient la responsabilité de l’entretien du carrosse et du cheval pour avancer au mieux sur le chemin de la Vie. Mais un attelage dans son ensemble n’a aucune utilité s’il ne servait pas à son maître de se déplacer. Le rôle du cocher est de conduire son maître où il souhaite aller. Le maître à conduire, c’est le Soi.

Dans notre quotidien, nous croisons la plupart du temps des attelages fortement malmenés par des cochers n’ayant aucune conscience que leur carrosse manque d’entretien par manque d’attention. Ces cochers (mental) n’accordent aucune écoute ni de considération envers leur cheval (émotions). Intimement convaincus d’être le seul représentant de l’individu, ils exercent une véritable autocratie sur l’ensemble de l’attelage.

Le mental se valorise ou se dévalorise selon ses croyances. Cela peut tourner à l’obsession du besoin d’être apprécié des autres et fier de lui-même. Pour cela, le cocher va contrôler, refouler, étouffer, nier, écarter chaque expression de lui-même pour paraître quelqu’un de bien à ses yeux et aux yeux des autres. Le corps doit avancer, même s’il a des difficultés. Les émotions doivent être contrôlées pour paraître parfait. L’être, représenté par le maître à conduire n’a aucun droit de s’exprimer, écrasé, étouffé par des croyances culturelles. Ne vous a-t-on jamais dit qu’il ne fallait pas s’écouter. Notre culture ne reconnait même pas l’importance de Soi. Elle ne valorise que le paraitre, l’image émise et pas l’être.

Voici quelques exemples concrets de l’ignorance de l’existence de notre être :

Si quelqu’un a peur, on lui dira : « Ne t’inquiète pas ! » L’être qui s’inquiète n’a pas le droit d’exister dans cet état. Cette image dérange et il doit être autrement pour satisfaire. Il doit refouler, dominer ses émotions pour cesser de s’inquiéter. Celui qui est triste c’est l’être (Soi), celui qui cherche à dominer cet état, c’est le mental (le Moi).

Si quelqu’un pleure on lui dira :  » Arrête de pleurer !  » Le mental dans ce cas refuse d’entendre, de comprendre et de reconnaitre que l’être puisse éprouver de la tristesse. Il ne veut pas voir l’être exister tel qu’il est, il exige qu’il change d’état.

Si quelqu’un est en deuil et qu’il se dit « Sois fort, ne te laisse pas abattre… » Le mental ne laisse pas l’occasion à l’être d’éprouver de vivre sa douleur. Il doit montrer l’image de quelqu’un de parfait, tout en évitant d’être dérangé par la douleur vécue par l’être. Le mental va chercher à ignorer, maîtriser ou anesthésier ses ressentis pour paraître quelqu’un de bien, fort, intelligent et parfait. Si la douleur persiste, c’est la manifestation de l’être qui n’a pas été entendu.

Quand le Moi s’identifie à ce qu’il croit représenter, il est limité dans sa vision de lui-même et des autres. C’est comme s’il se regardait dans un miroir déformant sans même se douter que cette image déformée du Moi n’est pas lui. Pour un grand nombre de personnes, leur vie consiste à parfaire ou modifier l’apparence de cette image qu’ils croient être.

Quand le cocher se prend pour le maître, cette situation inappropriée déséquilibre le fonctionnement interne de l’individu. Cette erreur identitaire a des effets délétères pour la personne, pour son entourage, pour l’environnement et pour la planète. Plus le Moi domine le Soi, plus le déséquilibre est source de mal-être. Seul le mental exerçant son autocratie sur l’individu peut agir par la domination ou la soumission, la valorisation ou la dévalorisation des êtres humains. Seul le mental peut agir par intérêt pour l’économie au détriment de la considération pour les êtres humains. L’ampleur des dégâts de ce dysfonctionnement intérieur est proportionnelle à l’ampleur des dysfonctionnements actuels sur notre planète.

C’est parce que l’individu moderne a perdu la conscience de Soi, qu’il développe tant de mal-être. Il a besoin d’évoluer vers plus de sensibilité pour écouter l’être, ce Soi, celui qu’il il est vraiment, et qui a besoin d’exister tel qu’il est. Des symptômes se développent spécialement pour faire entendre l’être qui est en Soi. Ces symptômes se manifestent pour chercher à faire rétablir l’ordre en Soi.

Le Soi

Représente véritablement le joyau dans son écrin. C’est l’être touchant et magnifique à regarder à l’intérieur de l’individu. Notre Soi a besoin d’exister tel qu’il est et à travers ce qu’il ressent dans l’instant présent. Il a besoin que ses états émotionnels soient considérés, compris, validés et reconnus et non pas niés, refoulé, contrôlés.

Le manque de considération du mental pour écouter l’être est source de nombreuses souffrances. Prenons l’exemple de ne pas oser refuser. Cela montre comment le mental agit pour être apprécié des autres dans le seul but de travailler l’apparence de son image. En réalité, le Moi dénigre l’envie de refuser qu’exprime le Soi. Le Soi n’étant pas considéré dans ce qu’il voudrait vivre va faire sentir un « mal-être ». Cette sensation de disharmonie intérieure, rarement écoutée, montre le pouvoir exercé par le Moi sur Soi.

Le mental ne vit pas d’émotions. Il les retranscrit par la pensée, car c’est son rôle. Une pensée est froide car elle ne voit que l’objet. L’être, le Soi, est chaleureux, car il incarne quelqu’un. Écouter l’être en soi, c’est écouter ce qu’il vit, comment il se sent quand il vit les évènements de sa vie. Lorsque l’attention est portée sur ce qu’il ressent, il se sent alors exister et c’est tout ce dont il a besoin. Il a besoin de considération, d’attention, de reconnaissance, d’écoute, de compréhension qu’il soit ainsi, singulier car unique au monde. Il a besoin de vivre sa différence sans se sentir contrarié. Comme ces gauchers qui souffraient d’avoir été contraints d’écrire de la main droite pour correspondre aux normes établies. Seuls des Moi peuvent établir de telles normes douloureuses à vivre. Le Soi n’impose aucune règle. Il ne demande qu’à exister tel qu’il est.

Malgré toutes nos avancées intellectuelles et technologiques, nous peinons encore à concevoir que le rôle de notre mental est en fait de n’être qu’un humble serviteur au service de Soi.

Lire la suite de cet article : « L’estime de soi, l’illusion de Moi sur Soi »

 

Catherine Sarrade

catherine-sarrade.com

Le 16 novembre 2017

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